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Il est urgent de réinventer la tech !

Expertise

© Latitudes
Latitudes est une communauté d'acteurs et d'actrices de la tech, qui œuvrent pour créer une technologie engagée et responsable. A travers ce dossier thématique, nous allons tenter de vous exposer pourquoi il est urgent de réinventer la tech, et comment vous et votre organisation pouvez y contribuer.

Créée en mai 2017, Latitudes est une association de loi 1901 qui a pour objet social « d'encourager et d'accompagner l'utilisation des technologies au service de l'intérêt général ». Pour cela, nous mobilisons depuis quatre ans les individus et les organisations qui font la tech : écoles, universités et leurs étudiant·es, entreprises de la tech et leurs salarié·es.

 

Pourquoi ? Quel est le problème ?

Les technologies ont le potentiel de participer à la réponse aux défis sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confronté·es : détection des cancers du sein grâce à la data science, protection des forêts grâce à la détection des feux par satellite, accueil de réfugié·es chez des particuliers grâce à des plateformes de mise en relation...

Et pourtant, l'imaginaire collectif autour de ces dernières n'intègre toujours pas, ou trop peu, les externalités liées à ses usages. Les technologies sont aujourd'hui davantage au cœur du problème que de la solution.

 

De quelles externalités parle-t-on ?

  • 30% des 18-44 ans ressentent de l'anxiété après 2h sans consulter Facebook

Les outils technologiques que l'on consomme ont des conséquences sur l'ensemble de nos besoins : nos besoins vitaux et sociaux (hausse de l'exposition aux écrans, perte de l'attention, rapport aux autres, comportements addictifs, cyber-harcèlement...) mais aussi nos besoins d'épanouissement. On parle ici de notre capacité à exercer librement notre sens critique et libre arbitre et d'une potentielle perte de cette liberté face aux usages technologiques.

On se croit volontiers libre de choisir le contenu que l'on lit, de partager ce que l'on souhaite à son réseau ; mais la réalité est tout autre. Nombre de plateformes et applications mobiles exploitent nos biais cognitifs, en recourant à diverses techniques basées sur la recherche en sciences comportementales.

Prenons par exemple la technique du "nudge" : il s'agit d'un petit effet coup de pouce sur notre conscience humaine, favorisé par la manière dont les applications sont conçues. Cette technique a été appliquée pour transformer le bouton "retweet" qui permet désormais de partager un contenu immédiatement, parfois même sans le lire...

Quant aux algorithmes de recommandations, à force de nous proposer des contenus similaires à ce que nous avons déjà aimé, ils finissent par nous enfermer dans des bulles de filtres : on ne se trouve alors plus exposé·es à « l'information qui pourrait remettre en question ou élargir notre perception du monde »... et c'est bien regrettable !

 

  • Pour fabriquer un équipement électronique, il faut mobiliser quelques centaines de fois son poids en matières premières

Il faut 200kg de matières premières pour fabriquer un smartphone de 5,5 pouces. Oui oui, un smartphone comme ceux qui tiennent (encore à peu près) dans notre poche. Et pas n'importe quelles matières premières, puisqu'il s'agit notamment de minerais rares, souvent extraits dans des conditions de travail pour le moins douteuses, quand elles ne sont pas proprement révoltantes.

Or, à chaque seconde, 50 smartphones sont vendus dans le monde. Grâce à une habile multiplication, on en déduit que cela représente chaque année 50 * 60 sec * 60 min * 24 h * 365 j * 200 kg = 300 milliards de kg de matières premières. 300 millions de tonnes de matières premières pour fabriquer des smartphones, chaque année. Et si – comme nous – vous avez parfois du mal à imaginer ce que représente une tonne de matière, dites-vous que c'est à peu près le poids d'une voiture ; si l'on vous dit en plus que l'on produit chaque année 100 millions de voitures dans le monde, le tableau commence à être complet, non ?

© Les Films Corona

  • Le numérique compte seulement 30% de femmes dans ses effectifs.

Ada Lovelace, Grace Hopper, Margaret Hamilton... ça vous parle ? Toutes sont inventrices, visionnaires, pionnières de l'informatique. Car oui, les femmes sont à l'origine de nombreuses inventions dans le domaine technologique. À partir des années 1950, la programmation est même essentiellement effectuée par des femmes ! Considérée comme une tâche répétitive de secrétariat avancé requérant précision et patience, la programmation a trouvé ses « travailleuses idéales ».

Mais, à partir des années 70, le secteur devient vecteur de prestige et de profit économique : en conséquence, il se masculinise, notamment via la création de cursus universitaires dédiés, d'un panel bien précis de compétences à acquérir, de journaux, de sociétés, de rencontres, de prix – auxquelles les femmes ont peu accès.

Alors que la proportion de femmes diplômées « ingénieures en informatique » en France atteignait près de 40% jusque dans les années 80, elles ne sont désormais plus que 15%.

Par ailleurs, les autres marqueurs de la diversité ne sont pas en reste : les minorités ethniques sont sous-représentées parmi les développeur·ses professionnel·les, avec 70% de personnes blanches ou d'origine européenne.

Tout cela n'est évidemment pas sans conséquences : le fait que les personnes qui conçoivent les technologies évoluent dans un milieu qui s'appuie sur des stéréotypes et des normes sociales bien ancrées a un impact sur l’accessibilité des outils qu'elles conçoivent et sur les biais qu'elles y introduisent !

 

  • 1 personne sur 6 en France n'a pas utilisé internet au cours de l'année.

Soit car elle ne possède pas les compétences numériques de base (envoyer des courriers électroniques, consulter ses comptes en ligne, utiliser des logiciels), soit car elle ne sait pas se servir d’Internet (incapacité ou impossibilité matérielle) – on parle alors d'illectronisme.

Pire encore, 1 personne sur 3 est abandonniste, c'est-à-dire qu'elle a déjà abandonné une démarche (administrative, achat en ligne, etc.) car il fallait utiliser internet. C'est par exemple ce qui a pu avoir lieu avec le système de remboursement du pass Navigo de décembre 2018 : il n'était accessible qu'en ligne, ce qui a découragé de nombreux·ses utilisateur·ices.

 

© Snut via NextINpact

Ça vous donne le tournis? C'est normal !

Ça nous a fait ça à nous aussi. Alors nous nous sommes mis en mouvement (et nous vous proposons d'en faire de même!).

 

Nous nous sommes donné pour mission de former celles et ceux qui font la tech de demain à agir collectivement pour une technologie engagée et responsable.

Au total, depuis 4 ans, ce sont 5 000 personnes qui se sont engagées pour utiliser leurs compétences au service d'un projet qui traite d'un enjeu social ou environnemental, et prendre du recul sur l'impact de leurs compétences pour mieux les maîtriser. Grâce à cet élan collectif, nous avons permis à 400 structures de l'intérêt général de se saisir du potentiel des technologies.

Quelques exemples :

  • Une blockchain pour certifier les papiers des sans-abri et faciliter leurs démarches avec Reconnect.
  • Un algorithme pour déterminer où implanter des fermes solaires autonomes en Tanzanie avec PowerCorner
  • Une application mobile pour donner plus d'autonomie aux salarié·es en insertion chez Ares

 

Basculer massivement vers une tech responsable et engagée !

C'est notre ambition et le changement de culture dans la tech arrive pas à pas.

Depuis 3 ans, nous travaillons avec Epitech – une école d'informatique – sur leur programme d'entrepreneuriat, suivi par 600 étudiant·es chaque année. En 2018, nous y avons animé 5 après-midi d'échange pour montrer comment la tech pouvait être mise au service d'enjeux de société. En 2019, nous avons accompagné leurs étudiant·es entrepreneur·es pendant 6 mois. Et en 2020, ce sont 100 projets technologiques pour l’intérêt général qui ont été portés par leurs étudiant·es tout au long de l'année !

© Latitudes

Et nous sommes convaincu·es que de tels changements peuvent (et doivent) éclore partout : dans les grandes entreprises comme dans les PME ou les start-up, dans le monde de l'ESS autant que dans les secteurs plus éloignés de ces préoccupations.

 

Nous aurons l'occasion de creuser cela dans les prochains articles de notre dossier. Nous y parlerons du rôle que les entreprises ont à jouer dans ce changement de paradigme, mais aussi de la nécessaire contribution du monde de l'intérêt général. Alors, si vous n'êtes pas certain·es de voir comment ce changement systémique peut avoir lieu, nous vous donnons rendez-vous très vite pour la suite !

 

> Pour tout savoir sur l'association Latitudes, rendez-vous ici.

 

 

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